Randonnée du 21 août 2009
Entre "moulins" et "bédières", une sortie initiatique sur le plus connu des glaciers de France.
La "Mer de Glace" ("le glacier") naît de la jonction du Glacier de Leschaux au SE et du Glacier du Tacul (faisant suite au Glacier du Géant) au S. Elle "prend sa source" à 2.150 m d'altitude environ, et doit donc être considérée comme la langue terminale de l'ensemble des glaciers formés par l'écoulement N de l'immense bassin glaciaire situé entre la face E de l'Aiguille du Midi et du Mont-Blanc du Tacul et la face N de la grande barrière qui court de l'Arête de la Brenva à l'Arête de Rochefort et aux Grandes Jorasses.
Cette randonnée, originale et moyennement difficile, se situe dans la zone d'ablation du glacier et permet d'observer la plupart des phénomènes caractéristiques du milieu glaciaire (crevasses, séracs, moraines, tables glaciaires, etc) dans un environnement somptueux au pied des sommets "mythiques" du Massif du Mont-Blanc (Les Drus, Aiguille Verte, Grandes Jorasses, Aiguilles de Chamonix, etc)
Conditions : bancs de brume le matin avec éclaircies puis passages nuageux avec averses. Retour des éclaircies en début d'a-m.
Matériel : ensemble du matériel de sécurité sur glacier (crampons, piolet, baudrier, corde, broches, etc)
Départ
Chamonix (Parking Montenvers) puis Train du Montenvers.
Itinéraire
Carte IGN 1/25000° 3630 OT Chamonix - Massif du Mont-Blanc
A la gare d'arrivée, prendre le sentier qui descend S en direction du glacier (panneau "Accès aux Refuges d'altitude"). Au cours de la descente, une pancarte indique le niveau atteint par le glacier en 1820 (soit plus d'une centaine de mètres au-dessus du niveau actuel), niveau également visible sur les bords de l'auge glaciaire (on était alors à l'apogée du "petit âge glaciaire" - du XVI° au milieu du XIX° s. - qui a vu les glaciers des Alpes progresser fortement, le front de la Mer de Glace atteignant presque Chamonix.)
Après une vire horizontale, on arrive à une série d'échelles métalliques qui permettent de descendre le long de la paroi rocheuse, quasi verticale, de l'auge glaciaire (rive gauche) polie par le passage du glacier au cours des millénaires.
Cet itinéraire, vertigineux mais bien sécurisé ("queues de cochon" pour le passage d'une corde d'assurance, câbles, main-courantes, etc) permet de prendre pied sur le glacier.
Nota : dès cet endroit, la glace est bien présente et peut être recouverte par les poussières et les matériaux charriés par le glacier et le chaussage des crampons est impératif.
La progression se poursuit vers le centre du glacier (beaux séracs sur la rive droite) et on remonte ensuite SE puis S en cheminant à travers un dédale de crevasses, bien visibles avec leur tranche bleutée. On arrive ensuite dans une zone moins tourmentée et, en se dirigeant vers l'E ( "branche Glacier de Leschaux"), on pourra admirer plusieurs "bédières" (cheneaux d'écoulement des eaux de fonte) et autres "moulins" (puits verticaux, en général circulaires, creusés par les eaux de fonte à partir d'une fissure) .
Ces puits très profonds (il y a quelques années, C. Profit a pu descendre jusqu'à - 110 m) atteignent en général le socle rocheux et alimentent le torrent sous-glaciaire.
On pourra également se rendre compte des fractures du glacier dans les zones de rupture de pente (séracs du Glacier du Géant au S, au-dessous du Refuge du Requin visible sur son promontoire rocheux) puis de la fermeture progressive des crevasses (par compression) dans les zones de pente plus faible.
L'occasion aussi de remarquer la diversité des matériaux transportés par le glacier au cours de son long périple (rochers, sable, ainsi que d'autres moins "naturels" - planches et piquets de bois, pneu d'avion, câbles, etc)
Arrêt à la jonction des Glaciers de Leschaux et du Tacul (cote 2.130 m).
Retour par le même itinéraire.
Nota : en haut du passage des échelles, avant de reprendre le sentier, ne pas oublier d'observer S les "bandes de Forbes" qui strient transversalement le glacier (et en particulier la branche "Glacier du Tacul"), à la faveur d'un éclairage favorable (invisibles à l'aller ce jour).
Définition et description in "Glaciers, Forces et Fragilités - P.Wagnon, C.Vincent, D.Six et B.Francou chez Ed. Glénat :
"Leur nom provient du scientifique anglais J.D. Forbes qui en a donné une première description en 1842. Ces structures en forme d'ogives présentent, vues du dessus, une alternance de bandes de glace sombre et de glace blanche. Elles ne sont pas visibles sur tous les glaciers car leur formation requiert des conditions particulières d'alimentation et d'écoulement.
Les bandes de Forbes apparaissent à l'aval d'une zone appelée "chute de séracs" à condition que le franchissement de cette zone par la glace se fasse en une année et que cette zone se situe à l'aval de la zone d'équilibre. Lorsque le glacier franchit une partie de la zone pendant l'été , les crevasses se remplissent d'eau de fonte et de poussières. Au cours le l'hiver elles reçoivent uniquement de la neige.
Au pied de la zone de séracs, le glacier est en compression et les crevasses se referment. Celles qui se sont gorgées d'eau et de poussières l'été arborent une couleur foncée alors que celles qui ont été remplies par la neige de l'hiver apparaissent blanches. La glace présente ainsi une alternance de bandes claires et sombres qui, en voyageant vers l'aval, s'incurvent vers le bas en forme d'ogives car la vitesse du glacier est plus importante au centre que sur les bords."
On peut ainsi déterminer sans difficulté le nombre d'années écoulées depuis un point donné, le couple "bande sombre/bande blanche" équivalant à 1 année.
Dénivelée : 450 m environ
Temps de marche : 6 h 00